LA DESTINATION DE L'IMMEUBLE - UNE LIMITE POUR LES COPROPRIETAIRES A LA LIBERTE DE TOUT FAIRE

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Nous savons que le droit de propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue,pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.

L’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 pose une nouvelle limite à la liberté du propriétaire de tout faire : la destination de l'immeuble. Cet article dispose:

  • « Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation».


La destination de l’immeuble : qui la définit et à partir de quels critères ?

C’est le règlement de copropriété qui définit la destination de l’immeuble, et non l’état descriptif de division dépourvu de valeur contractuelle. 

S’agissant des critères, il faut remonter aux travaux parlementaires préparatoires à la loi de 1965 pour trouver une définition précise : c’est «l’ensemble des conditions au vu desquelles un copropriétaire a acheté son lot, compte tenu de divers éléments, notamment de l’ensemble des clauses, des documents contractuels, des caractéristiques physiques et de la situation de l’immeuble, ainsi que de la situation sociale des occupants».

Concourent ainsi à la destination de l’immeuble le caractère populaire ou résidentiel du quartier, la qualité de l’architecture, des matériaux de construction et des finitions, la configuration et la superficie des espaces communs et des parties privatives, la nature et l’importance des services et équipements collectifs (gardiennage, sécurisation des accès, présence d’espaces verts ou de loisirs tels piscine ou court de tennis…). C'est encore ce que certaines décisions de jurisprudence dénomment le «standing» de l’immeuble.

La destination de l’immeuble conçue par les rédacteur du Règlement peut poser des difficultés quand l’immeuble a évolué au gré de ses transformations et de son mode d’occupation.

Il faudra également savoir lire entre les lignes : ainsi, une clause indiquant que pour les professions libérales il sera toléré une plaque à l’entrée de l’immeuble, établit que l’immeuble est à usage mixte d'habitation et professionnel.

             

                  Les clauses restrictives les plus courantes visant au respect de la destination de l’immeuble

Ces clauses seront déclarées valables uniquement si la destination de l’immeuble justifie les restrictions qu'elles imposent, appréciation parfois subjective et donc aléatoire.

1/ - En bonne place des clauses restrictives, on trouve les clauses dites «d’occupation bourgeoise» simples ou ordinaires qui impliquent un usage principal d’habitation, mais acceptent les activités professionnelles, en particulier libérales. Seront en revanche exclues toutes activités à caractère commercial, industriel ou artisanal

En revanche, si le règlement mentionne que l’occupation est exclusivement bourgeoise seule l’habitation au sens le plus strict du terme est autorisée.

2/ - Lorsque l’activité commerciale est admise, le règlement peut interdire certains commerces : restaurants, pressings, poissonnerie ; il comporte souvent des clauses générales interdisant, par exemple, «l’exploitation de commerces dangereux, insalubres, malodorants» ou stipulant qu’«aucune activité ne doit nuire à la tranquillité de l’immeuble». Lorsque la formulation est trop vague il est difficile d’écarter formellement une activité, en revanche il sera possible de la faire sanctionner en cas de nuisances et de demander au Tribunal de prescrire les travaux et mesures pour les faire cesser : travaux d’insonorisation, ventilation et extraction de fumées, maintenir les fenêtres et portes fermées …).

Inversement une restriction à l’usage des parties privatives étrangère à la destination de l’immeuble est illicite. Ainsi une clause de non-concurrence qui interdit d’exploiter un commerce identique ou similaire à un commerce préexistant est réputée non écrite (cass. civ. 3e du 2.5.79, n° 78-10773).

 3/ - La clause dite « d’harmonie » qui impose l’autorisation de l’assemblée générale pour la modification de portes et fenêtres (parties privatives)  et pour toute modification de l’aspect visuel de l’immeuble est valable puisqu’elle est censée préserver ses caractères. Mais son application laissée à l’appréciation d’un juge peut s’avérer contrariante pour les propriétaires qui devraient seuls pouvoir décider de l’aspect visuel de leur « Maison » pour reprendre le terme utilisé dans les anciens règlements de copropriété.

4/ - Division d’un lot : la clause d’interdiction de division a été déclarée licite pour un immeuble «pouvant être qualifié d’immeuble de prestige par ses agencements et sa répartition intérieure et dont la division de vastes appartements altérerait la qualité de vie des occupants» (CA Paris 23e ch. B, 19.11.87, n°86/012066), alors qu’elle a été invalidée dans un immeuble de standing moyen.

5/ - La clause interdisant la location des chambres de service à des personnes étrangères à l’immeuble restera licite dans un immeuble dont la destination vise «de façon manifeste à la conservation du standing et à la sauvegarde de la tranquillité de ses membres » (CA Paris, 23e ch., 4.6.97, n°95-17773). Licite encore, une clause prohibant la cession des chambres de bonne et de caves indépendamment du lot principal.


            Les litiges faisant le plus fréquemment référence à la destination de l’immeuble

La destination de l’immeuble sera souvent évoquée à l’occasion :

1/ - De travaux qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, par exemple pour l’installation d’un ascenseur qui entraîne la rupture d’un escalier classé aux Monuments Historiques, le branchement d’une chambre de service sur des canalisations communes pour un immeuble d'habitation, l’annexion d’une portion de couloir…

2/ - Les locations saisonnières et location type AIRBNB qui peuvent s’avérer incompatibles avec le standing de l’immeuble et son mode d’occupation si elles augmentent notamment le nombre de passages dans l’immeuble. Les juges ont ainsi ordonné la remise en état d'un lot divisé en studios en vue de locations touristiques et de courte durée, mais a été réputée non écrite une clause soumettant la possibilité de louer son lot en meublé à l'accord de l'assemblée générale, alors que le Réglement autorisait l'exercice de professions libérales, les deux activités entraînant les mêmes nuisances.

3/ - Les activités exercées dans les parties privatives lorsqu’elles sont interdites par le règlement.

4/ - La vente d’une partie commune (combles, loge du gardien).

5/ - Le changement de destination d’un lot : cave, chambre de service. L’affectation d’un lot accessoire (cave, grenier, débarras, remise…) suit en principe celle des lots principaux. Une cave pourra être transformée en annexe d’un local commercial (CA Paris 23e ch. B, 15.5.08, n°07/13774), mais non en local d’habitation (interdit par l’article L 1331-22 du code de la santé publique); des combles de même qu’une remise pourront être aménagés en appartement dans un immeuble d’habitation mais pas dans un immeuble de bureaux. En revanche les parkings, boxes ou garages ont une destination spécifique qu’il est impossible de changer.

Si un copropriétaire entendait poursuivre un projet non conforme à la destination de l’immeuble, il ne pourrait y être autorisé que par un vote à l’unanimité de l’assemblée.

La destination de l’immeuble est régulièrement opposée par la copropriété aux projets de ceux qui viennent rompre l’ordre établi et les habitudes prises. Dans ce cas c’est au Juge d’apprécier si la destination de l’immeuble justifie ou non le refus des copropriétaires.

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